Étude les jeunesses en difficulté et le monde du travail

Chapitre 3 - Article 1

Les représentations sociales : un impact direct sur la réussite de la collaboration

Que représente le travail pour vous ? Gagner sa vie ? Une occupation ? Une obligation ? Plutôt un plaisir ou plutôt une contrainte ? Une fin en soi ou bien un moyen ?

Les réponses à ces questions sont en grande partie le fruit des représentations sociales que vous partagez avec le ou les groupes sociaux au sein desquels vous évoluez. Et ces réponses peuvent être tout à fait différentes pour une personne qui évolue dans un groupe social différent.

Dans cet article introductif nous vous invitons à découvrir ce que sont les représentations sociales (RS), au sens sociologique, pour voir à quel point celles-ci jouent un rôle majeur dans notre vie au quotidien.

Objectifs de l'article

Comprendre ce que sont les représentations sociales, et en quoi elles jouent un rôle majeur dans nos interactions sociales.

Une vision partielle et partiale de la réalité

Les représentations sociales, une notion sociologique

De prime abord, on pourrait dire qu’une représentation sociale est une idée qu’un groupe social se fait de quelque chose. Si c’est en partie vrai, une « représentation sociale » est avant tout un concept issu des sciences sociales. Il désigne « un ensemble de formes imaginées et inscrites dans des pratiques sociales » (1). C’est donc l’image que se fait, mais aussi que partage, un groupe social (2) à propos d’un objet concret ou abstrait, une personne, un groupe, une situation… et la traduction de cette image en une « pratique sociale », c’est à dire un ensemble de comportements sociaux exercés par le groupe. Tous les pans de la vie sont concernés : la famille, le mariage, l’amitié, l’amour, l’art, l’emploi… L’ensemble des représentations sociales forment une conscience collective qui se transmet d’une génération à une autre.

Une représentation sociale est toujours partielle : elle réduit une réalité complexe à quelques éléments qui la composent (3). Elle est aussi partiale, puisqu’elle est produite par un groupe d’individus nécessairement subjectifs. Elle se construit dans le temps à partir de l’expérience, des croyances et de l’histoire du groupe. Les représentations sociales sont donc multiples et variées. Elles diffèrent, entre autres, selon la génération ou la culture. Par exemple, des groupes professionnels différents pourront ne pas partager la même notion du travail. Chaque groupe social a des représentations plus ou moins proches, plus ou moins éloignées d’un autre groupe.

Les fonctions des RS : interpréter et fédérer

Les représentations sociales ont deux fonctions majeures :

  • Elles permettent d’interpréter la réalité et de l’expliquer. C’est un mécanisme cognitif que nous appliquons dans notre vie quotidienne lorsque nous manquons d’informations ou, à l’inverse, lorsque nous devons traiter un grand nombre d’informations en peu de temps. Ce mécanisme nous permet d’organiser et de comprendre le monde. Parfois, les représentations sociales viennent même justifier notre réalité. En somme, elles donnent du sens au réel en permettant de mieux le comprendre.
  • Elles renforcent la cohésion et les liens entre les individus d’un même groupe. En cela, elles sont un facteur de construction de l’identité. Elles permettent aussi de bien communiquer au sein du groupe : les individus échangent sur la base de repères et de concepts communs.

Ainsi, les représentations sociales façonnent notre vision du monde et de tout ce qui le compose, y compris notre vision sur le travail et l’emploi, comme on le verra par la suite.

 

Un peu d'histoire

Émile Durkheim, l’un des fondateurs de la sociologie moderne, introduit la notion de « représentations collectives » en 1898. Cette notion donnera ensuite lieu au concept plus récent de « représentations sociales ».

Un moteur de nos actions

L’impact des RS dans notre rapport au monde

Les représentations sociales peuvent être à l’origine de nos raisonnements et de nos pratiques sociales. Au même titre que notre histoire ou notre vécu, elles vont influencer nos actions. En effet, sur la base des représentations sociales :

> Nous pouvons émettre des suppositions sur la suite des événements, à propos d’une autre personne, dans une situation donnée,

> ces suppositions vont être à l’origine des nos attentes et vont provoquer une certaine attitude,

> pour finalement orienter nos réactions et nos pratiques, et influencer notre relation à l’autre.

Les RS divergentes, sources de quiproquo

Si les RS d’individus issus de deux groupes sociaux distincts sont similaires, alors il n’y aura probablement pas d’incompréhension majeure lors d’un échange entre eux.

Cependant si leurs RS sont éloignées, elles peuvent générer des pratiques sociales divergentes, et les individus des deux groupes risquent fort de ne pas se comprendre. Qui plus est, chacun interprétera la réalité et la réaction de l’autre en fonction de sa propre grille de lecture, ce qui renforcera l’incompréhension… L’interaction peut alors devenir source de quiproquos, à l’origine du rejet de l’autre ou de situations conflictuelles.

Des représentations sociales mal interprétées peuvent devenir un obstacle majeur dans la relation à l’autre.

Dans notre enquête nous avons relevé de nombreux exemples de difficultés, de sources d’échec même, directement liés à des représentations sociales divergentes.

Un exemple parmi d’autres :

Un jeune, ancien de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) hébergé en foyer de jeunes travailleurs, est proposé par une association pour un stage en restauration. Le jeune veut ce travail, mais pense sincèrement que l’employeur n’a pas à lui faire confiance (pourquoi le ferait-il ?). Il pense qu’il est pris uniquement parce-qu’il y a un manque de main d’œuvre.

De son côté, l’employeur est intimement convaincu que le travail doit être une source d’épanouissement pour chacun, que c’est la clé du succès. La seule chose qui compte pour lui, quand il embauche un jeune, c’est le niveau de motivation du jeune pour bien faire.

Croyez-vous que ces deux là vont réussir à s’entendre ?

Ainsi, notre vie quotidienne se compose en permanence de pratiques sociales issues de nos représentations sociales. Et si ces représentations sociales divergent, on observe que des incompréhensions – voire des conflits – peuvent rapidement apparaitre et conduire la relation à un échec.

Pour encourager l’insertion professionnelle des jeunesses en difficulté, les témoignages de notre enquête terrain montrent qu’il faut d’abord commencer par prévenir les incompréhensions possibles entre les premiers acteurs concernés : les jeunes, les employeurs et les travailleurs sociaux de l’insertion professionnelle. 

(1) P. Ansart, « Imaginaire social », in : A. Akoun et P. Ansart (dir.), Dictionnaire de sociologie, Paris, Seuil, Le Robert, 1999, p. 270
(2) Un groupe social : groupe d’individus unis par une même croyance, appartenance familiale, professionnelle etc.
(3) J.F. Dortier (dir.),  « Représentation sociale », in : Le dictionnaire des sciences humaines, Auxerre, PUF, 2004, p. 728-731

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