Étude les jeunesses en difficulté et le monde du travail

Chapitre 3 - Article 4

Accompagner les jeunes dans la durée : une nécessité

Après avoir surmonté nombre d’obstacles, le jeune en situation de difficulté intègre enfin une entreprise ! Le cercle vertueux commence… mais reste fragile et doit être consolidé. Il faut s’assurer que son intégration se passe bien, que des représentations et des pratiques sociales ne viennent pas perturber le processus d’insertion. Comment s’en assurer ?

Dans cet article, nous vous proposons d’identifier les éléments qui peuvent perturber l’insertion professionnelle une fois le jeune en poste, et d’étudier les moyens de les contourner.

Nous verrons également que les jeunes venant de situations de difficulté ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour imaginer un projet professionnel à long terme. C’est pourquoi l’accompagnement à moyen et long terme joue un rôle crucial dans ce processus.

Objectifs de l'article

Rendre compte des obstacles et des difficultés à dépasser pour chacun des acteurs, employeurs comme jeunes en contexte de difficulté, une fois que ces derniers ont intégré une entreprise.

Le premier emploi : une expérience capitale pour le jeune​

La première expérience professionnelle : quitte ou double

Une première expérience professionnelle peut rapidement se transformer en cercle vicieux si les bonnes conditions ne sont pas réunies. Si cette expérience se déroule dans un climat tendu, que les remontrances sont monnaie courante, qu’il y a une certaine méfiance entre les acteurs ou un manque de communication, alors elle peut s’avérer dommageable pour le jeune… et son avenir ! L’enquête confirme que l’échec d’une première expérience professionnelle va renforcer les insécurités du jeune, justifier ses peurs, et donc le rendre encore plus vulnérable. Cela peut se matérialiser par une attitude de rejet envers le monde du travail.

Ces premières expériences sont donc déterminantes : il faut les soigner en consolidant l’insertion professionnelle et penser à long terme. Pour y parvenir, nous avons recueilli au cours de l’enquête les éléments qui conduisent à une expérience dite « négative » et ceux qui conduisent à une expérience dite « positive ».

Comment une rupture peut-elle se créer ?

Les représentations sociales présentes avant l’embauche perdurent… une fois que le jeune a rejoint l’entreprise (cf. articles 2 et 3 de ce chapitre). Et avec elles, les pratiques sociales et les quiproquos qu’elles engendrent !

« Ça instaure un petit peu de stress. S’il nous arrive un petit problème au travail, on ne peut pas trop en parler parce qu’on sait que cette responsable ne prendra pas notre défense ou elle sera tout simplement là à vous obliger à faire ce qu’elle dit. »

« C’est clairement dit par une stagiaire : « On nous dit que dans l’entreprise, il faut être comme ci, comme ça. Il faut dire ceci et cela. Et puis en face, ce n’est pas tout à fait ça »… Ce n’est pas faux. »

« J’ai l’impression qu’on ne peut pas dire ce qu’on ressent quand on travaille. On est obligé d’écouter ce que notre responsable et au-dessus disent et ne pas dire ce qu’on ressent. […] Même s’il y a des postes, des hauts responsables, que tout le monde soit égal et qu’il n’y ait pas de différence. Je le vois comme ça le travail idéal. »

Certaines situations « sociales » peuvent plonger le jeune dans l’inconfort. Nous l’avons vu dans l’article précédent, les jeunes en situation de difficulté que nous avons interrogés attachent une importance accrue à la bienveillance dans les relations avec leurs collègues, cela les rassure et les encourage.

À l’inverse, un déficit de confiance peut être ressenti comme une injustice. Un accroc avec un collègue, comme de la non-considération. Au même titre, un manque de communication peut être assimilé à un manque de liberté d’expression et instaurer une tension chez le jeune, voire un sentiment d’oppression : l’impression de devoir exécuter des tâches sans jamais avoir son mot à dire.

Nos entretiens révèlent que ces jeunes adoptent fréquemment une attitude de résignation face à leurs supérieurs, due à leur manque de confiance, mais surtout parce que dans leur représentations sociales, c’est précisément cette attitude que les adultes attendent d’eux.

Cette représentation sociale freine la confiance que ces jeunes peuvent accorder aux travailleurs sociaux et aux employeurs. Résultat : ils se sentent encore moins libres d’exprimer leurs besoins. Et lorsqu’il n’y a pas une écoute active de la part de l’employeur, cela peut s’avérer fatal pour la réussite de l’intégration.

Autre phénomène nuisible à l’expérience : un possible désenchantement. Une fois arrivés au sein de l’entreprise, les jeunes n’ont pas forcément une connaissance réelle du secteur d’activité dans lequel ils vont évoluer. S’ils ont reçu une formation, celle-ci est souvent théorique. Les résultats de l’enquête révèlent que la différence entre leurs attentes et la réalité du terrain est importante. Les jeunes peuvent alors vivre cette situation comme un véritable désenchantement et perdre l’espoir d’un épanouissement professionnel, voire d’un avenir meilleur.

« Mais, comme je vous ai dit, je ne sais pas ce que je voulais faire, donc, en tous les cas, je prends le risque de ce qui viendra, quoi, mais ça ne me plaira pas non plus. Donc, je vais essayer, ça ne me plaira pas. Quand j’ai commencé le service, j’ai commencé par les stages, c’est très bien, les stages ! On nous apprend les bons côtés, il faut faire ceci, on n’est pas vraiment dans le truc. Donc, on ne voit pas vraiment le vrai, tout le côté… pas obscur mais…on ne voit pas tout ce qui nous entoure. […] Moi, j’arrive en stage, on m’apprend à faire ça, mais ce sont les bons côtés, apprendre à faire ceci. […]

Mais quand tu es dans le monde du travail, quand tu es majeur, que tu commences à être majeur et avoir tes responsabilités, etc., tu comprends que tu as des papiers à faire, à signer toi-même. Tu as les papiers, tes charges, maintenant, il faut travailler, tu as les horaires. Mais ce ne sont pas les mêmes horaires. Tu travailles le soir. Le lendemain ou la semaine d’après, tes horaires changent, etc. C’est un bon côté des stages. Maintenant, tu as les responsabilités. Des fois, il faut gérer la caisse, mais si on se trompe par rapport à ça, il y a plein de choses qui découlent de ça. Ce sont des petites choses qu’on ne nous apprend pas ou qu’on ne voit pas. Quand plus tard, on voit tout ça, on se dit « ok d’accord. Ça ne me plairait pas ». 

Cette désillusion peut être renforcée par le poids des tâches administratives ou par l’impact de leur métier sur leur vie personnelle, qu’ils n’avaient pas forcément anticipé. Cette désillusion existe aussi chez les jeunes ne venant pas d’un contexte de difficulté, mais les conséquences sont alors différentes : en effet, un jeune avec davantage de ressources financières et culturelles pourra plus facilement se mettre à l’abri, il pourra plus facilement changer d’orientation. À cause de ce désarroi – ou pour ne pas subir d’autres interactions douloureuses – les jeunes en difficulté n’hésiteront pas à démissionner, à changer radicalement d’orientation ou à s’isoler, quitte à s’éloigner de l’emploi.

« Pour m’en sortir, c’est de trouver un travail rapidement pour pouvoir payer mon loyer, et tout ce qu’il y a avec, parce que, quand on quitte un travail parce que ça ne nous plaît pas, pendant une période d’essai ou quoi que ce soit, on n’a pas de sous. De toute façon, je n’ai pas envie de vivre du chômage ou quoi que ce soit. […] Non. Tu es majeur, tu as des responsabilités. Si tu ne bosses pas, tu es majeur, c’est ton problème. Vous voyez ce que je veux dire ? Aujourd’hui, c’est ton problème. Tes parents ne sont plus dans l’obligation de te donner quoi que ce soit. Ils ne sont pas obligés. »

« On essaye de trouver un travail, mais comme j’ai dit, on ne connaît rien. On n’a pas fait autant d’expériences par rapport à notre vécu, notre situation, vu qu’on a bougé partout. Par rapport à notre vécu, je pense, par rapport à notre départ, dès le début, c’est par rapport à mon départ qui a fait que j’ai ce truc de me détacher des gens. »

« C’est qu’ils n’ont pas envie de s’engager. Pourquoi ? Parce qu’ils veulent un environnement de travail bienveillant. Donc quand ils font un stage, ils tombent sur un patron, une patronne, qui est vraiment bienveillant, mais le métier lui plait pas, il va accepter. Alors que bon, des fois, on se dit : « Je cherche un métier », mais ils reviennent en disant : « Je change de métier parce que le patron me plait pas ». Je dis : « Mais tu changes pas de métier ! Parce qu’il faut que tu trouves un patron qui puisse » – donc en fait… Et ça, on l’avait pas avant. »

« C’est difficile de trouver les bonnes méthodologies, ne serait-ce que pour trouver du travail.  Avec le recul, on ne va pas nous apprendre ça au lycée ou au collège. Ce ne sont pas des choses qu’on va avoir, pourtant c’est important. De mon point de vue, ce sont des exercices assez difficiles qui sont acquis assez tard. Les jeunes sortent du lycée, ils ont des diplômes, mais la méthodologie pour chercher un travail est assez dure. Malgré les diplômes, c’est difficile pour les jeunes de passer un entretien, de faire une lettre de motivation. Tous ces trucs font que ça devient difficile pour les jeunes. »

« On préparait un CAP carrosserie, réparation automobile. Après, ça ne m’a pas plu et j’ai voulu faire une orientation. Suite à ça, j’ai fait du design graphique, toujours en alternance, parce que je pensais que ça me correspondait plus. En fin de cursus de mon CAP réparation de carrosserie, je n’étais plus trop attiré par le domaine. À ce moment-là, je savais que j’avais des compétences dans ce domaine, je dessinais beaucoup. Je me suis dit pourquoi ne pas tenter. J’étais curieux sur ce qu’était le design graphique donc je me suis demandé pourquoi ne pas faire une alternance. […] Dans le sens où je suis hébergé au sein d’un hôtel. Alimentairement, on ne va pas se leurrer, c’est assez compliqué. Il faut réussir à passer au-delà de ça. C’est ce que je trouve compliqué. Des fois, pour se motiver quand on est seul, se pousser de l’avant, c’est quand même un challenge. »

Consolider l’insertion : des pistes pour avancer

Proposer un accompagnement de bout en bout

Pour consolider le processus d’insertion, il faudrait colmater les « brèches », là où le risque d’échec est important. Pour cela il faut s’appuyer sur ce que nous dit le terrain :

1. D’abord s’assurer de créer un environnement bienveillant ;

2. Se concentrer sur des aspects pragmatiques ;

3. Allouer les moyens d’un accompagnement dédié, et ce jusqu’à ce que le jeune soit vraiment autonome ;

4. Et, au delà du suivi par les travailleurs sociaux au téléphone, œuvrer à une consolidation des relations interpersonnelles au travail.

Ces quatre axes de travail pourraient être le fil directeur d’un accompagnement de bout en bout, dont à la fois les jeunes ET les travailleurs sociaux sont demandeurs, depuis la préparation à l’emploi jusqu’à la consolidation dans le poste.

« Les jeunes viennent avec un projet professionnel, c’est-à-dire une sortie vers l’emploi. Ce qu’on appelle chez nous une sortie positive, c’est un CDD de 6 mois maximum ou une reprise d’étude ou une entrée en formation. […] quand un jeune sort d’ici avec ou sans sortie positive, on les appelle tous les trois mois pour faire un point. Ils nous disent où ils en sont. »

« Là où je trouve que l’enseignement est le plus convaincant, c’est précisément la possibilité […] de pouvoir détacher des professionnels qui sont en fin de carrière, et de faire en sorte qu’ils puissent se dédier à 100% à l’insertion professionnelle. […] avoir dégagé un budget pour dire : je sors un collègue dont on sentait qu’il avait tout à fait les aptitudes, la sensibilité, la réceptivité, la bienveillance pour accompagner, c’est juste génial ! »

« Déjà, les accueillir correctement. Les faire tutorer par des professionnels dont on préssent qu’ils seront bienveillants. Ça, c’est incontournable ! Ne pas mettre la pression aux jeunes, leur laisser effectivement s’approprier les choses à leur rythme, et vraiment être sur les basiques, quoi. »

Comment prolonger l’accompagnement ?

« Accompagner de manière équitable les jeunes, tout autant que les équipes. C’est toujours se poser la question, qu’est-ce qui est bon pour nous sur ce site, pour soi et en collectif ? […] Rassurons-nous les uns, les autres, sinon on ne s’en sort pas »

« Ce que je veux, ce que j’exige, c’est le minimum minimum, à savoir : la règle de base pour un jeune, dans le secteur sanitaire ou médico-social, dès lors qu’on s’adresse à du public vulnérable, c’est une forme de probité, déjà. Il faut qu’il soit honnête. Autant que faire se peut, qu’il soit là à l’heure. Et oui, qu’il observe, qu’il ait aussi le sens de ses limites, et j’insiste : qu’il fasse au mieux, même s’il ne sait pas faire grand-chose, mais qu’il soit bienveillant dans le regard, aussi, envers les personnes. […] Il faut dépasser les seuls codes de l’utilité pour avoir une relation vraie avec des patients. »

« Ce qui pourrait les aider,
ce sont des entreprises qui peuvent être accueillantes, et qu’il y ait un tutorat, par exemple. (…) L’entreprise peut être vraiment un terrain qui peut énormément aider les jeunes à se découvrir, à faire une introspection, à savoir qui elle est et 60comment, quel est son rapport aussi à l’autre. (…) Déjà, et faire sa place, forger sa place, se faire accepter, négocier avec – quand il est en entreprise, il est là, mais il va négocier aussi. Il va négocier sa place, il va travailler en équipe. »

L’analyse des témoignages recueillis permet de dessiner des pistes pour concevoir cet accompagnement de long terme. Par exemple, des dispositifs concrets peuvent être mis en œuvre afin de faciliter l’insertion, comme :

 

    • Un suivi tripartite entre le jeune, l’employeur et le ou la travailleur social référent.e du jeune, sur un temps long après le recrutement.

    • Des temps dédiés et des espaces privilégiés pour évoquer les potentielles difficultés rencontrées par l’employeur et/ou le jeune en situation de difficulté, et pour expliciter les non-dits.

    • Un accompagnement au sein de l’entreprise, avec la préparation d’un cadre de travail pour le jeune et pour les collaborateurs ;

    • S’adapter au rythme de développement des compétences du jeune et l’aider à s’adapter au rythme de l’entreprise et des collègues (l’accent est mis ici sur le dialogue).

  • Des formations au sein de l’entreprise sont vivement recommandées par les acteurs que nous avons interrogés, jeunes comme employeurs. D’une part à destination des collaborateurs de l’entreprise pour sensibiliser et mieux accueillir, d’autre part à destination des jeunes pour soutenir le développement de leur autonomie, anticiper la confrontation avec la réalité du métier, découvrir d’autres métiers de l’entreprise ou dessiner avec eux une trajectoire de carrière. L’accompagnement en entreprise peut intégrer une aide à consolider le CV, à prendre conscience de ce qui a été appris, et ainsi renforcer la confiance en soi et en ses capacités.

Selon vous, y a t-il d’autres actions qui pourraient être mises en place au sein de votre structure pour faciliter l’intégration du jeune au sein de son équipe ?

Avez-vous déjà fait l’expérience d’un accompagnement tripartite (entreprise, jeune, travailleurs sociaux) sur plusieurs mois ?

Si oui, n’hésitez pas à partager votre retour d’expérience et vos idées d’amélioration.

« Et effectivement, j’ai aussi ma casquette d’employeur, à la tête d’une clinique, aujourd’hui d’un hôpital de jour. Moyennant quoi, je suis assez au clair sur les conditions d’accueil, sur – pas modéliser la réussite, mais savoir comment faire en sortede mettre les jeunes dans des conditions satisfaisantes pour que ça se passe bien. Sachant que ce que je leur demande, surtout, c’est de faire au mieux de leurs compétences du moment, et d’abord en termes de savoir-être »

« (…) C’est important effectivement de communiquer de bonnes valeurs, d’aller dans le sens de l’entreprise, mais il faut effectivement se mettre à leur place et essayer de les comprendre, eux, ce dont ils ont besoin pour être épanouis, pour qu’ils puissent faire leur travail comme on leur demande. »

« Le responsable aussi était gentil. Il m’a donné plein de conseils pour la suite. (…) Il me faisait beaucoup participer au niveau de tâches qui étaient quand même importantes ! Je me souviens qu’il y avait certains employés qui n’avaient pas accès au serveur parce que c’est quand même un peu sécurisé. Moi, j’y avais le droit. Je devais laisser mon téléphone pour des raisons de sécurité, mais j’avais accès au serveur. Il me laissait plein de responsabilités. […]. Donc ça s’est très bien passé »

« Il n’y a pas de recette miracle, mais c’est à nous tous de montrer que la porte est ouverte, qu’on est à l’écoute, qu’on est là pour les aider et que bien évidemment quand le travail est mal fait, quand ça ne va pas bien évidemment il faut être juste, il faut dire les choses, mais si la personne a de la volonté, s’accroche un petit peu, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. (…) »

En croisant les regards et les témoignages, nous avons également relevé les qualités relationnelles à privilégier. Par exemple, nous avons remarqué que les jeunes interrogés cherchent souvent une reconnaissance de la part des autres. En ce sens, les encouragements et les signes de félicitations sont les bienvenus.

Cela les aide à dépasser le manque de confiance en eux. Au même titre, une attitude bienveillante et une écoute active renforcent leur sentiment de sécurité et peuvent les (re)motiver. Enfin, comme certains jeunes interrogés le rapportent, il semble important de leur faire confiance.

S’épanouir grâce à un projet d’avenir

Lorsqu’ils arrivent en entreprise, les jeunes interrogés essayent avant tout de se conformer à ce monde qui leur est inconnu. Pour ces jeunes en contexte de difficulté, cela représente un grand défi. À ce stade, construire leur avenir signifie donc surtout assimiler les normes existantes et gagner en autonomie. Ils se projettent difficilement plus loin, ou alors avec réserve. Ils ne pensent pas en termes de « carrière » et même s’ils ont préalablement cadré un « projet professionnel » avec les TS, ils avancent à tâtons.

 

« Ce qui est très parlant, c’est lorsqu’il est sur le terrain, pour moi en tant que psychologue par exemple, le fait d’être sur le terrain, il s’expérimente. Il se découvre. Dans son rapport au travail, par rapport à quelque chose qu’il a demandé. Il a demandé. Ce n’est pas tout à fait sa motivation, mais l’idée c’est d’être comme les autres, « Moi je vais être comme les autres, donc il faut que je fasse quelque chose, il faut que je sois en activité ».  Donc l’entreprise peut être vraiment un terrain qui peut énormément aider les jeunes à se découvrir […]

Notamment pour des jeunes vraiment qui sont dans l’insertion sociale et professionnelle. Le terrain de l’entreprise nous apporte énormément de choses et leur apporte énormément de choses pour qu’ils progressent et qu’ils évoluent. Pour savoir de quoi ils ont envie. Parce qu’ils viennent, ils ne savent même pas ce qu’ils veulent. Il y a certains qui ne savent pas du tout, qui n’ont aucune idée, c’est le flou le plus total. Aucune idée, aucune mais vraiment, c’est le vide et c’est au travers comme ça d’expériences, de mises en situation sur le terrain professionnel. »

Pour les travailleurs sociaux et les employeurs interrogés, le fait de développer un projet professionnel aide les jeunes à se projeter, et donc à ne pas se décourager. Comme cette projection ne se fait pas spontanément, l’accompagnement joue, là aussi, un rôle clé pour aider les jeunes en contexte de difficulté à construire et/ou consolider un projet d’avenir sur la base d’expériences en entreprise : les aidants pourraient leur montrer d’autres possibles, définir avec eux des objectifs et le chemin à parcourir pour y arriver, faire les ponts entre un métier qui ne leur plaît finalement pas et un autre.

Les jeunes ne verraient plus seulement l’emploi comme une solution d’urgence, mais aussi comme le moyen de s’épanouir, enfin ! Les TS interrogés tentent déjà d’aider les jeunes à se projeter, mais ils sont malheureusement limités dans leur action. Ces derniers doivent être présents sur plusieurs fronts et jongler entre le projet court terme – aider les jeunes à trouver un emploi pour résoudre les urgences d’accès aux ressources de base – et soutenir la construction d’un projet long terme. Ils ne peuvent se dédier entièrement au projet long terme (cf. chapitre 7). Nous pouvons en déduire que l’accomplissement de cette tâche doit passer par une répartition des efforts entre employeurs et travailleurs sociaux, comme c’est le cas avec l’accompagnement tripartite des contrats d’apprentissage.

« L’accès au monde du travail est aujourd’hui difficile pour des jeunes de premier niveau de qualification. C’est clair. Donc c’est là où les employeurs peuvent être contributifs, singulièrement dans des secteurs d’activité comme le médico-social, ou le sanitaire, où il y a des emplois en situation de pénurie. (…) ce qu’on peut faire (…) c’est de faire découvrir les métiers qui sont les nôtres, que chacun puisse vraiment les découvrir, les voir de près, et si effectivement ça les intéresse, les aider à poursuivre. Avec de vraies chances de succès ».

Une fois qu’un jeune en contexte de difficulté a été embauché, la réussite du projet n’est pas gagnée pour autant. Les probabilités de démission ou de renvoi sont malheureusement nombreuses. Grâce à l’enquête de terrain, nous comprenons à quel point un accompagnement au long cours, relationnel comme pratique, est essentiel pour réduire ce risque d’échec et favoriser l’intégration en entreprise. Celui-ci permet d’apporter une aide et un soutien aux jeunes en contexte de difficulté, à chaque étape du projet.

  • Créer des temps et des espaces intermédiaires « sécurisés » pour évoquer les potentielles difficultés rencontrées par l’employeur et/ou le jeune en situation de difficulté;

  • Prolonger l’accompagnement à l’insertion professionnelle (par les acteurs sociaux) par un soutien à la compréhension réciproque alors que le jeune est déjà en poste ;

  • S’inspirer d’approches existantes, non stigmatisantes pour développer cet accompagnement individualisé. Exemple : l’accompagnement tripartite existe déjà pour le contrat d’apprentissage puisque les écoles suivent la formation du jeune et les relations jeunes/entreprise. 

Les représentations sociales : un impact direct sur la réussite de la collaboration

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Recruter ou être recruté : des défis à affronter